Je vais faire un peu honneur à l'origine du titre de ce blog, en parlant de Watershed, le nouvel album d'Opeth.
Il y a quelque chose d'assez paradoxal avec Opeth. Il sont considérés comme un groupe de metal hautement progressif, du genre salutaire qui fait allègrement sauter tous les classements un peu bornés, mais finalement ils n'ont pas progressé tant que ça au fil des années. Dès leurs premiers albums, ils se sont retrouvés projetés au top d'une espèce de niche qu'ils avaient eux-mêmes créée à travers leur style personnel. Depuis, ils ont amélioré leur son, leur technique, leurs textes, la subtilité de leurs compositions, mais ont conservé la même orientation musicale qu'au départ. Cet entrelacement unique de heavy/death avec toutes sortes d'influences atypiques dans le metal, du rock psychédélique aux mélodies orientales, en passant par le jazz.
Personnellement, ça ne me gêne pas qu'un groupe n'apporte pas de modification draconienne à sa démarche, quand il évolue déjà à un tel niveau d'excellence, qui plus est à 100 bornes d'une quelconque vision commerciale. Et pour Opeth, je vois déjà comme une prise de risque suffisante le fait de composer des morceaux aussi complexes et aussi longs qui sonnent toujours aussi bien. Mais certains estiment que ce n'est pas suffisant, et qu'ils ne font qu'appliquer sans fin la même formule depuis plus de 10 ans. Ceux-là risquent d'apprécier Watershed, qui est probablement leur album le plus tordu à ce jour.
Première surprise avec le premier morceau, Coil, une courte balade à la guitare soutenue par de très légères nappes de clavier, et surtout... qu'entend-on ? mais oui, c'est du chant féminin ! Si je ne me trompe pas, c'est la première fois qu'on entend ça chez Opeth. Façon inhabituelle de commencer un album, et qui fait penser qu'on est devant quelque chose de vraiment nouveau.
Avec la deuxième chanson, Heir apparent, on revient en terrain familier, assez brutalement même, en témoigne le petit frisson qui veut dire "Qu'est-ce que c'est bon de les entendre à nouveau !". C'est peut-être la chanson la plus violente de l'album, sans même aucun passage en voix claire. Malgré tout, on y retrouve l'ambivalence chère au groupe, à travers l'intercalage de passages accoustiques et une superbe mélodie en mid-tempo qui clôture la chanson.
La suivante, Lotus Eater, est peut-être la plus complexe de l'album et l'une de mes préférées. Après une intro fredonnée qui déroute comme Coil déroute sur tout l'album, ça part dans les tous sens avec une pêche énorme, des riffs qui poutrent et même un inhabituel blast beat que le groupe avait soit-disant banni. Le tout se calme vers le milieu pour un long passage atmosphérique qui mue en un passage au son funk des plus originaux, avant de reprendre sur les thèmes pêchus du début. La toute fin est plus dispensable.
Le ton se calme ensuite avec Burden. ballade façon vieux rock aux accents blues, bien triste comme il se doit. Après un long solo langoureux mais pas kitsch, cette chanson se termine par un drôle de passage : des jolis arpèges à la sèche qui deviennent volontairement faux au fur et à mesure, comme si les cordes de la guitare étaient progressivement détendues. Évidemment, c'est complètement dissonant. J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal avec ça au début, et on a le droit de trouver que c'est juste une ficelle à la con. Mais finalement, après plusieurs écoutes, ça me parle, et je trouve que ça va très bien avec ce que dégage le morceau.
Le morceau suivant, Porcelain Heart, est celui qui me fait le plus penser à Ghost Reveries, l'album précédent que j'aime beaucoup. Je sais pas à quoi c'est dû. Ca doit être les changements d'ambiances très marqués, ou les arrangements vocaux par dessus. Contrairement à Heir Apparent, il n'y a ici que des voix claires.
Suit Hessian Peel, la seule chanson de l'album à dépasser les dix minutes. Cette chanson m'agace un peu. Elle est excellente, mais elle met en jeu tellement de styles différents qu'elle ne cesse de me rappeler d'autres trucs, sur lesquels je n'arrive jamais à vraiment mettre le doigt. Encore une chanson très contrastée, qui passe par une longue intro acoustique, soutenue sur la fin par une rythmique tordue, avant une entrée de guitares électriques sublimes, un break calme au piano, pour enchaîner sur une deuxième moitié qui ressemble beaucoup aux passages les plus énergiques de Blackwater Park.
Et ça finit par Hex Omega, le morceau que je trouvais le plus transparent du lot lors de mes premières écoutes. Peut-être parce que sa structure est plutôt basique par rapport au précédent, alternant les passages doux et les gross riffs bien gras. Mais le tout est clairement dominé par une atmosphère plutôt planante, accentuée par un rythme très lent et encore une absence totale de voix grunt.
Ca devrait terminer plutôt bien l'album, et pourtant j'ai toujours l'impression étrange de rester un peu sur ma faim, ou d'avoir loupé un truc sur l'ensemble. Résultat j'ai envie de le réécouter. Et c'est comme ça que je l'apprécie de plus en plus. Car il est plutôt exigeant, même pour du Opeth. Pour revenir à mon sujet de départ, ici ils ont pris des risques. Et plus que dans le dyptique Deliverance/Damnation, qui relevait finalement de l'expérience d'automutilation peu concluante. Il y a dans Watershed une variété encore plus grande que d'habitude, des choses qu'ils intègrent pour la première fois, un éloignement encore accentué de leurs origines black/death et une emphase mise sur les ambiances plutôt que seulement sur la perfection technique des compositions. Ce qui n'en fait pas une écoute facile, mais je pense que ça vaut vraiment le coup.
Conclusion, si vous aimez déjà Opeth, achetez Watershed sans hésiter, mais attendez-vous à batailler pendant cinq ou six écoutes jusqu'à en découvrir la richesse. Et si vous ne connaissez pas ce groupe, allez vite réparer cette grossière erreur en commençant plutôt par Blackwater Park ou Still Life.
1 De kerlu -
Arf, dire que le groupe n'a pas ou peu progressé depuis le début me chiffone un peu. Il y a clairement une différence entre l'avant et l'après Still Life. Sinon, assez d'accord, c'est clairement pas un album facile, même pour du Opeth, déjà pas forcément évident à cerner. Mes préférés sont Porcelain Heart, ptet aussi la plus classique pour du Opeth malgré l'absence de chant hurlé et Hessian Peel. Burden est bien classe également, et rappelle les sonorités bluesy de Still Life. Moins fan de Lotus Eater que j'ai tendance à trouver un peu bancale. Bref, ouais, Opeth, c'est bien, mangez en !
2 De mEga -
Mécréaaaaaaaaaaaant, comment oses-tu ? Vade retro !
J'y crois pas !
L'hallu !
Non mais sans blague...
C'est pas possible...
Non mais je rêve...
Inculte ! bachibouzouk ! Banane a roulette !
Ne pas conseiller le sublime Morningrise pour débuter avec Opeth... Bon ceci étant Opeth on est bien d'accord la dessus c'est du très très bon ! :)
3 De Nimwendil -
Kerlu > cette histoire de non-progression du groupe, je l'ai lue plusieurs fois dans des zines ou des critiques perso, et passé le premier stade du "non mais comment peuvent-ils dire ça ?!!", je crois que j'ai compris ce qu'ils voulaient dire, même si j'adhère pas.
mEga > :P bon, je t'avoue que j'avais marqué Morningrise en premier, et puis ensuite je l'ai remplacé par Still Life que je préfère (quant à Blackwater Park, il est à part de toute façon). C'était peut-être pas une bonne idée, c'est vrai que Morningrise est plus facile à appréhender et aimer que Still Life, donc se défend mieux s'il s'agit de débuter avec le groupe... Bah, pis zut ! Et tant pis si je suis un mécréant :P
4 De kerlu -
non, je plussoie aussi Still Life devant Morningrise ! peut aussi parce que j'ai commencé Opeth avec Still life et que ça rappelle plein de jolies choses. mais tout de même. La claque résonne encore dans mes oreilles. Avec le recul, c'est vrai, c'est ptet pas le plus facile. Mais j'conseillerais tout de même BlackWater Park pour commencer de toute façon.
5 De Baldwulf -
Itou pour Still Life ! C'est par là que j'ai commencé, et j'y reviens régulièrement.
Watershed, c'est du très bon, bien alambiqué par moment, bien barré à d'autres, du Opeth comme on l'aime quoi ! ^^
Une sacrée préférence sur l'entrée de Lotus Eater, avec ce méga enchainement rythmique entre le blast/voix claire et le tempo un peu moins blastique/grunt.
Sinon, je partage assez ton analyse de l'abum. J'accroche moins sur Porcelain Heart par contre, je trouve les cassures de rythme assez artificielles... Malgré tout, je m'y fais au fil des écoutes.
6 De Mel'O'Dye -
Booon ... ben t'as gagné ... j'ai envie de l'écouter main'nant ... mais vu l'état de mes finances actuelles ... t'as plus qu'à me le passer ;-)
7 De Candy Froggie -
ben va falloir que je m'y mette alors!?! Je vais explorer tout ça demain....t'aurais pas un lien sur daylimotion ou ioutoub de the morceau que je suis quasi obligée d'adorer, hm?!
8 De Nimwendil -
Voilà une petite sélection :
- Windowpane en live, extrait de Damnation, leur album complètement acoustique qu'on ne peut pas ne pas aimer :P Comme ça tu peux même apprécier la bonne bouille gentille et charismatique du chanteur.
- Harvest, extrait de Blackwater Park, de l'avis de beaucoup de monde leur meilleur album. J'adore le son et le riff principal de cette chanson, et elle démontre bien le double côté bourrin/gentil.
- Ghost of Perdition, le premier morceau de l'album précédent, bien excellent.
- Et pour finir, Burden, dont je parle dans le billet.
J'ai pas trouvé ma chanson préférée, Godhead's lament, dans une version correcte. Y'a des trucs en live mal enregistrés, mais ça serait du gâchis :)Enjoy !
9 De Nimwendil -
Chuis un peu con aussi, suffit d'aller sur deezer pour avoir une bonne partie de la discographie en bonne qualité et sans vidéo inutile...
Voilà Godhead's Lament \o/
10 De Candy Froggie -
rooo mais j'ai du bol moi! merci Nim', et en plus j'accroche bien avec ce que je suis en train de découvrir! Yeeehaaaaaaaaaaaa! (et Martin là il aime, bon il connaissait me dit-il, il est tout heureux que je lui casse les oreilles pour une fois :P)