Après la relative sobriété de l'année dernière, je suis revenu à un peu de couleur pour 2024. Au milieu des nombreux croquis qui comme chaque automne parsemaient mon carnet, j'ai choisi ce dessin dans une veine Art nouveau tendance minimaliste. Et si vous avez le Klimt qui vous démange, c'est normal, la compo avec ces trois bouleaux et cet horizon très haut est inspirée de ce paysage de 1900 que j'aime beaucoup.
Ce style simplifié à base d'aplats et de négatifs ne m'est pas si naturel, mais ça faisait du bien et j'aime beaucoup le résultat ! Une autre raison pour garder une image simple était que je voulais tester enfin la technique de la plaque perdue, et si ça foirait je ne voulais pas y avoir passé des dizaines d'heure. Finalement ça n'a pas foiré du tout, bien au contraire.
Au fait, c'est quoi la gravure à plaque perdue ? Appelée aussi gravure en réduction, elle consiste à traiter toutes les couleurs sur la même plaque, au lieu d'utiliser une plaque par couleur comme ce que j'ai fait pour toutes mes linos précédentes. On creuse d'abord juste les zones qui resteront blanches dans l'image finale, puis on fait une série d'impressions avec la première couleur, souvent la plus claire. Chez moi, le orange, qui recouvrira donc toute la surface à l'exception du blanc. On repart ensuite de la même plaque, et on creuse les zones qu'on veut garder de la première couleur. Par exemple chez moi, les cheveux de la femme et les fleurs. On imprime avec la seconde couleur, chez moi le vert, qui va recouvrir tout le orange sur les autres zones. On continue comme ça autant de fois qu'on veut, en empilant les couleurs qui masquent les précédentes (d'où l'intérêt d'aller du clair vers le foncé), et en réduisant la surface non creusée de la plaque à chaque couleur. À l'étape finale, la plaque n'aura plus que le tracé de la dernière couleur, chez moi le noir. Les précédentes auront été perdues. Contrairement au procédé avec une plaque par couleur, on ne pourra donc pas faire d'autres tirages.
Cela pourrait passer pour un inconvénient rédhibitoire, mais en fait j'ai trouvé ça très libérateur. En pratique je ne refais jamais de tirage de mes vieilles lino, surtout les cartes de vœux qui sont pensées comme des petits cadeaux éphémères. Et contrairement aux plaques de cuivre, je ne suis pas attaché aux plaques de lino en tant qu'objets. Donc pas de grosse perte ici. La planification du nombre de tirages, avec un peu de marge bien sûr, était aussi assez simple, car je sais à peu près combien de cartes je fais chaque année. Et puis, il y a un côté grisant à avancer toujours sur la même plaque qu'on finit par connaître par cœur. En fait, maintenant que je l'ai essayée, je ne vois plus d'inconvénients à la réduction, seulement des avantages. Déjà, ça va plus vite, c'est plus simple de ne manipuler qu'une plaque, mais surtout ça retire un gros facteur de décalage des couleurs entre-elles, la plaie des gravures multi-colores. Il faut toujours avoir un système de repérage fiable et être précis sur le placement du papier, mais au moins on n'introduit pas de décalage à chaque plaque avec un report ou une gravure légèrement différentes.
Bref, c'est archi-validé, et je vais probablement envisager toutes mes futures linos en couleur de cette manière maintenant !
Finalement, ce qui aura été le plus difficile cette année, c'est de rester positif dans les vœux et de ne pas trop regarder par la fenêtre la gueule du monde…
Pour ne pas rester sur cette ambiance négative, quelques photos de la réalisation, qui vous permettront de comprendre mieux mon charabia sur la technique à plaque perdue :