Pixel art en aquatinte

Ivy en pixel-art. Aquatinte sur zinc mordu au sulfate de cuivre, 9x12 cm.

Après mes derniers dessins en pixel art bien colorés, j'ai voulu essayer d'en faire en noir et blanc. Je ne sais plus trop pourquoi, mais je crois que le but était de me forcer à réduire les couleurs possibles de la façon la plus drastique qui soit, pour travailler sur la lisibilité globale de l'image. À la même période, j'ai même carrément passé mon écran de téléphone en monochrome pour tester des trucs de développement, et ça m'a incité à continuer. Du coup j'ai dessiné mon sujet réflexe, avec un crâne pour faire bonne mesure (ce n'est pas la première fois).

Image originale dans l'éditeur de pixel art Pixel Studio

Assez vite pendant ce dessin, l'évidence m'a frappé : j'avais devant moi une gravure en devenir ! En fait, c'était tellement clair que j'avais probablement eu ça en tête dès le début, au moins inconsciemment.

Une fois ce pont établi, le reste est allé assez vite. L'aquatinte était la technique la plus adaptée, le reste était une question de repères et de méthode pour faire apparaître les 6 niveaux de gris avec des masquages progressifs des "pixels". Vu le petit format que j'avais choisi, ce n'était même pas plus long que plein d'autres procédés conventionnels de taille douce (manière noire… ouch ! Burin… triple ouch !), et une fois les premiers repères posés, c'était même simple et bêtement méthodique. J'ai quand même réussi à me planter sur deux "pixels", décalés de deux cases, du coup quatre cases en tout qu'il a fallu soit foncer (à la roulette) soit éclaircir (au brunissoir) après les morsures.

Quelques étapes…

Globalement, ça s'est plutôt bien passé, et j'ai été ravi de voir la plaque après nettoyage et surtout le premier tirage. C'est bien sûr un peu rugeux, c'est plein de "parasites", et les gris sont trop foncés et moins progressifs que dans l'original. Mais sachant que j'ai posé la résine à la main et utilisé un mordant toujours un peu imprévisible, je considère ça validé ! Si ça m'intéresse, je pourrai en faire d'autres mieux préparées et sur cuivre pour plus de contrôle.

Comme à chaque fois que j'ai élaboré par moi-même une technique un peu originale, j'ai un temps caressé l'idée d'être le premier à avoir fait ça. Et bien sûr, comme à chaque fois, je suis tombé sur plusieurs artistes (1, 2, 3) qui eux⋅elles aussi, même si le but et le résultat sont à chaque fois différents du mien, avaient fait un lien entre le pixel art et la gravure. Et ça me paraît assez normal.

La vraie nouveauté n'existe pas. Avec le recul, il y a là l'évidence du dialogue entre les techniques, qui s'enrichissent mutuellement. Cette gravure n'est qu'une illustration un peu meta de l'aller-retour constant qu'est le procédé des graveur⋅se⋅s à notre époque, entre planification des dessins sur ordi, recherche et retouche de photos de référence, ou scan pour partager sur le net.